23 mars 2010

Le mystère de la porte bleue

Voisine discrète de l’appartement de la concierge, cette porte bleue passe facilement inaperçue.

Lors de nos discussions sur le palier avec la gardienne, nous ne l’aurions peut-être pas remarquée si nous n’avions pas été intriguées par les va-et-vient de personnes visiblement pressées.

A ce moment-là, nous étions sûres d’une seule chose : que ce lieu n’était pas habité par des particuliers.

« Avant, quand on traversait le rez-de-chaussée, de mauvaises odeurs venaient de derrière cette porte », nous a raconté Mme Guélaud, un peu plus tard.

Lors de notre visite suivante, nous frappons à cette porte. Pas de réponse. Aucun bruit ne nous parvient de l’intérieur.

C'est finalement par Madame Bézic et Madame Guélaud que nous apprennons que ce logement appartient au Laboratoire d'Analyses médicales, situé dans la même rue.

« Il y a même eu un dégât des eaux chez la concierge à cause des activités de ce labo », indique Madame Bézic.

Un laboratoire dans un immeuble résidentiel ?

La semaine dernière, nous tentons de nouveau notre chance. C’est l’agent d’entretien qui nous ouvre.

Il est seul et nous explique qu’il s’agit d’un lieu de stockage du matériel. Nous cherchons à en savoir davantage. Il ajoute que certaines analyses sont réalisées ici. Lui-même n’en sait pas beaucoup plus.


Nous y retournerons, pour rencontrer les laborantins et obtenir quelques éclaicissements.

9 mars 2010

Le syndic' adopte la fibre


Réunion studieuse ce soir-là à la Régy SA, boulevard de Grenelle.

Les copropriétaires de notre immeuble sont réunis en assemblée générale ordinaire, comme chaque année. Tout du moins, une partie d'entre eux. On compte huit absents sur 26. Mais seuls neuf sont effectivement présents. En effet, certains, comme Mme Guélaud, arrivent avec des « pouvoirs », autrement dit une sorte de procuration fournie par d'autres copropriétaires pour les représenter.

18h: après cette arithmétique alambiquée, le quorum est atteint et la séance peut donc commencer.

Les rôles sont d'abord distribués: M. Martin, un retraité du 6e côté rue, préside l'assemblée. Mme Olivi lui sert d'assesseur. Le bureau du syndic' assure le secrétariat.

La discussion s'ouvre avec des chiffres. Un débat s'engage autour des comptes de l'exercice annuel 2009. En effet, certains jugent les factures téléphoniques de la concierge excessives. Hors de question, pour d'autres, de lui prendre un abonnement Internet pour limiter les coûts. Finalement, c'est le statu quo qui l'emporte.

Place au vote du budget prévisionnel. Pour l'année 2010, la somme de 46 952 euros est approuvée. Dans la foulée, 48 242 euros sont affectés pour 2011.

Une partie de cette somme annuelle sera employée à remplacer le tapis d'escalier côté rue qui tombe en lambeaux au niveau du 4e pallier. Coût des travaux: 2 268 euros, à la charge des copropriétaires de cette partie de l'immeuble uniquement. En revanche, la réfection de la peinture murale du rez-de-chaussée sera payée par l'ensemble du syndicat. A passage commun, charge commune!

De l'achat de divers produits d'entretien aux travaux de réhabilitation de la porte cochère, le secrétariat du syndic' lance le sujet que tout le monde attendait: l'installation de la fibre optique. Deux concurrents, Free et SFR, proposent leurs services. La perspective de ces travaux, même gratuits, ne semble pas enchanter l'assemblée. « De toute façon, il faudra bien y passer un jour ou l'autre, alors autant le faire maintenant! », lance M. Martin, d'un air résigné. Mme Denis s'inquiète pour sa connexion: « Je suis chez Numéricable, je n'ai pas envie de changer d'opérateur! » Mme Bezic la rassure: rien n'oblige les occupants à se relier individuellement à la fibre. Reste que les copropriétaires exigent des garanties sur l'ampleur et la réalisation des travaux. « On ne signe rien tant qu'on ne sait pas exactement ce qu'ils vont casser », s'exclame cette même copropriétaire. C'est alors que M. Binot, un militaire à la retraite, propose un compromis: « donnons un accord de principe en attendant la véritable offre ». Il s'agit de toute manière de la procédure habituelle pour les opérateurs. « Chaque immeuble fait l’objet d’une étude détaillée qui décrit précisément les travaux envisagés. Cette étude est soumise à la validation du gestionnaire de l’immeuble avant le démarrage des travaux », explique Christophe Goacoglou, communicant de SFR. L'accord de principe voté, demeure le dilemme cornélien du choix du prestataire. A vrai dire, personne ici n'est spécialiste de la question. Mais on a vaguement entendu dire que Free avait déjà équipé pas mal d'immeubles dans le quartier... SFR s'en remettra!

Après une heure de discussions, la réunion se termine. Contrairement à ce qu'avait prédit Mme Bezic, les échanges sont restés cordiaux. « C'est parce que les vipères étaient absentes cette fois-ci », glisse M. Martin, happé par le vent glacé du boulevard. Aux réunions de syndic', il est en effet bien rare de s'ennuyer...

Un immeuble qui a du galon


Un signe particulier caractérise notre immeuble. En effet, plusieurs de ses occupants entretiennent un lien étroit avec l'armée. Mme Bezic a acheté son appartement à un militaire,Mme Guélaud, la doyenne, est la veuve d'un officier... Et il se trouve que trois familles de militaires vivent encore dans ces lieux.

« C'est un hasard si nous avons emménagé ici en 2003 », affirme Mme Binot, l'épouse d'un retraité de la marine et fille de militaire. A la recherche d'un appartement rive gauche, ils ont été séduits par ce quartier « aéré » et « pas trop cher » du 15e arrondissement. Mais ce n'est pas tout: « Entre militaires, on se refile souvent les annonces, et nous avons acheté celui-ci à la veuve d’un militaire », ajoute l'occupante du 3e pallier à droite. « Dans le milieu, on ne perd jamais le contact », explique Mme Duval, un étage plus bas. Son époux, un retraité de l'armée de terre, consulte souvent l'annuaire des militaires pour retrouver les anciens de sa promotion de Saint Cyr ou ceux qu'il a croisés dans les garnisons. Les cérémonies officielles leur donnent aussi l'occasion de renouer avec de vieilles connaissances.

A proximité de feu la caserne de l'Arme du Train, notre immeuble se situe en plein coeur d'un ancien quartier militaire. « J'ai des amis [du rang] qui vivent non loin de là, dans les logements de la Défense près du square Dupleix », déclare M. Giraud, officier supérieur de la Marine. Il s'est installé dans ce duplex au 4e et 5e étage côté rue l'an dernier, après 4 mois de travaux. Aujourd'hui, il peut se rendre à pied à l'Ecole militaire, où il travaille désormais après quinze ans passés à sillonner les mers du monde. Père de quatre enfants, M. Giraud apprécie la proximité des transports en commun et des écoles. « C'est un quartier très familial ici, si vous vous baladez près de l'église et de la place carrée, vous rencontrerez plein de familles de militaires », fait remarquer Mme Binot.

La vie de famille, « où le mari est absent de temps en temps pour participer à des opérations », est assez singulière chez les militaires. Et même si les femmes ne travaillent généralement pas, « elles se débrouillent toutes seules, elles assument complètement », affirme en connaissance de cause sa voisine du dessous, Mme Binot.

Autre trait commun chez ces populations: la fréquence de leurs déménagements. Entre l'Afrique, l'Asie et l'Europe, Mme Duval a compté: son mari et elle ont déménagé 19 fois. « A l'époque, on devait partir tous les deux ans. Et on n'était pas prévenu à l'avance de l'endroit où on allait. Cela a été dur pour mes derniers garçons qui changeaient d'école en plein milieu d'année scolaire », se souvient l'octogénaire, qui a perdu son père, au front, au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Malgré l’instabilité qu’il génère, le voyage laisse malgré tout des souvenirs imprescriptibles chez ces familles. « On adore voyager. On part en vacances dans le sud du Maroc pour tenter de retrouver l'ambiance de la garnison du Sahara dans laquelle j'ai servi », ajoute son mari.

Plus que des souvenirs, c’est un véritable mode de vie que ces familles ont en commun. « On se comprend tout à fait », résume Mme Binot; « on a vécu les mêmes choses », affirme M. Giraud de son côté.

Pour autant, nos familles de militaires ne se fréquentent pas plus entre elles qu'avec les autres voisins de l'immeuble. « On se rend des services, parfois. Par exemple, la fille des Giraud garde nos petits-enfants », concède Mme Binot. Mais la plupart du temps, hormis les contacts succincts dans la cage d'escalier ou lors de la Fête des voisins, chaque ménage mène sa vie, de son côté.

2 février 2010

Dans l'optique de la fibre...


Réunion du syndicat de copropriété le 11 février prochain. A l'origine de cette convocation: deux courriers adressés au syndic' et dans lesquels la société SFR et son concurrent Free proposent d'installer dans l'immeuble la fibre optique. Si l'on en croit la Mairie de Paris, instigatrice du programme Paris Ville numérique (PARVI), 80 % des immeubles parisiens devraient ainsi être équipés en très haut débit cette année.

L'installation de ce réseau permettrait aux habitants de bénéficier d'un débit Internet très élevé. Mais tous les copropriétaires n'ont pas conscience de la révolution technologique que constitue la fibre. Mme Guélaud, la doyenne, ne possède même pas d'ordinateur et Mme Bezic, 3e étage côté cour, n'utilise plus guère Internet depuis que ses deux fils ont quitté le foyer familial. Mais si la modernisation numérique de leur immeuble ne leur coûte pas un sou, pourquoi ne pas franchir le pas? En effet, dans une convention-type qui définit les engagements du conducteur des travaux, la Mairie de Paris précise que « l'installation, l'entretien, le remplacement et la gestion des lignes sont réalisés aux frais de l'opérateur et ne sont assortis d'aucune contrepartie financière ». Une disposition qui tient compte de la manne substantielle que représente pour l'opérateur ce raccordement. Et pour cause, une fois son réseau installé, il dispose d'une trentaine de nouveaux clients potentiels. Pour éviter toute situation de monopole, l'opérateur en charge de l'installation est tenu de « garantir » à ses concurrents « un accès » au réseau.

Ce n'est donc pas la question financière qui risque de susciter le débat lors de la réunion du 11 février. Les propriétaires s'inquiètent surtout des dégradations et des nuisances que pourraient entraîner ce genre de travaux. « En 2005, on a changé le tapis des escaliers; en 2008, on a refait l'électricité; enfin, d'octobre à novembre 2009, on s'est occupé de la réfection des murs et de la peinture », énumère Mme Bezic. Dans ce contexte, hors de question de transformer, cette année encore, la cage d'escalier en un chantier! Théoriquement, les opérateurs s'engagent « à limiter les travaux et les interventions (...) dans le souci de réduire les nuisances pour les occupants de l'immeuble ». Reste que l'installation de la fibre optique dans les immeubles de type haussmanien comme celui-ci peut nécessiter jusqu'à six mois de travaux.

Quant à savoir pour lequel des deux prestataires – Free ou SFR – le syndic penchera le 11 février prochain, c'est encore une autre histoire...

26 janvier 2010

Des doyennes si parisiennes

Un post des Chroniques du Palier

Il y a un personnage que l'on retrouve partout dans nos blogs-immeubles et dont nous avons dressé le portrait: le doyen. Ou plutôt, la doyenne. Car il faut bien le dire, dans les cinq immeubles où nous avons pu le rencontrer, le doyen est une femme. En moyenne, nos doyennes ont 88 ans et habitent dans leur immeuble depuis 50,4 années. La plus âgée, c'est Mina, 92 ans, dans le Marais . C'est aussi elle qui habite depuis le plus longtemps au même endroit: 61 ans !

Mais au-delà des chiffres, nos doyennes ont des histoires qui attendent d'être racontées. A Wagram, tout le monde prend Madame Roger pour une folle. Dans le neuvième, la doyenne raconte seulement ce qui l'arrange. Chroniques du Palier, c'est aussi ça. Mettre dans un recoin de la Toile, un témoignage qui peut intéresser les habitants et aller au delà des apparences. Pour ne pas regretter trop tard de ne rien connaître d'autre de sa vielle voisine que son discret bonjour.

Alors rendez-vous avec Mina, qui a vu le Marais tant changer, Mme Guélaud, passionnée d'ethnographie en "baisse de régime", la dame aux yeux bleus du neuvième, la doyenne revêche de Wagram et enfin Yankel, artiste victime de la maladie de l'accumulation. C'est finalement le seul homme. Malade, la doyenne de Loft Stories n'a pas pu nous recevoir.

Nos doyens ont souvent le même problème: c'est de plus en plus fatigant de sortir de chez eux. Et Paris, avec ses immeubles aux escaliers étroits, n'arrange rien. Alors on reste chez soi la plus grande partie de la journée. Et on compte sur la solidarité des amis ou de la famille, plus que sur celle des voisins. En 2006, Paris comptait 659 centenaires. Mais Paris n'est pas une ville de vieux : la part des plus de 65 ans parmi ses habitants est inférieure de deux points à la moyenne nationale.

JB C., animateur de la communauté Chroniques du Palier.

Immédiatement après ce post, ce blog reprend son activité normale.

Vous avez dit du bruit?

Autant dire qu'ici, on est davantage perturbé par le crissement du métro aérien que par les nuisances sonores des voisins. Côté rue, c'est à peine si l'on entend quelques sonneries de téléphone filtrer à travers les énormes portes en fer qui isolent chaque foyer. Côté cour, le silence règne, du moins, jusqu'en fin d'après midi. Tandis que le soleil décline, une voix s'élève, perceptible depuis la cage d'escalier et même depuis la cour intérieure. «C'est la petite du 2e, une fille pétillante», nous lance Mme Bezic, alors que nous discutons sur le palier.

Cette fille pétillante s’appelle Madeleine. Etudiante à l'Ecole nationale supérieure – en spécialité design – elle cultive une passion: le chant lyrique. «Quand vous avez sonné, j'ai eu peur que ce ne soit un voisin furieux de m'entendre chanter...», confie-t-elle un peu gênée. Cela aurait été une première car en un an et demi, personne ne s'est jamais plaint de sa musique. Très modeste, Madeleine fait montre d'une timidité touchante. «Je chante quand ma colocataire, Jeanne, n'est pas là. Le soir, elle fait souvent du babysitting et le week-end, elle rentre en province pour monter à cheval», explique-t-elle.

Les profanes ne feraient aucune différence entre la voix de Madeleine et celle d'une cantatrice. Mais elle ne se considère pas comme une professionnelle. «J'ai commencé le chant très tard. Au mieux, je pourrai chanter dans les circuits semi-professionnels», regrette-t-elle. La jeune chanteuse de 22 ans compte néanmoins tenter le conservatoire en fin d'année.

Exceptées ses vocalises, rares sont les animations sonores dans l'immeuble. Et Madeleine y trouve au moins un avantage: «Je peux guetter le bruit de la poubelle quand la concierge la fait rouler sur les pavés de la cour intérieure», dit-elle d'un air amusé. Ainsi, elle est sûre de trouver de la place pour ses poubelles quand elle descend au local pour les jeter...

La jeune étudiante qui trie scrupuleusement ses déchets a longtemps cherché l'emplacement de la borne à verre la plus proche sans jamais oser poser la question à la gardienne. «Je suis du genre à aller acheter du sel plutôt que d'en demander au voisin», précise-t-elle. Madeleine s'est donc fiée à ses sens. «Un jour, je suis descendue poster une lettre et j'ai entendu un bruit de verre brisé. Je me suis retournée et juste dans mon axe, j'ai vu la fameuse borne!», se souvient la chanteuse. Celle-ci se trouve à une cinquantaine de mètres de là...

25 janvier 2010

Anecdotes de palier

Chassé par une vieille dame...
Un jour qu'elle faisait son ménage, Mme Guélaud entend un fracas dans les toilettes. Un homme vient de s'introduire chez elle par la fenêtre! «J'ai été grossière, je lui ai demandé ce qu'il foutait là!», s'exclame la vieille dame. A la fois surpris par cette présence et cet aplomb, le voleur s'est enfui sans demander son reste...

Mort sur le palier
L'histoire remonte à une dizaine d'années. Le soir commençait à tomber quand Mme Bezic entend un hurlement dans la cage d'escalier. Le cri provient du 4e étage, juste au-dessus de chez elle. Elle se précipite et découvre sa voisine, agenouillée sur le palier, à côté de son mari foudroyé par une crise cardiaque.